[Sujet officiel] Les voitures qui n'ont jamais vu le jour

Homer S a écrit:Quelques autos qui n'ont jamais vu le jour chez Opel :

Une Corsa A restylée ?

Le premier Meriva avec portes antagonistes.

Une remplaçante de la première Tigra ?

Un concept-car de petit roadster.

'moR a écrit:Merci je cherchais des infos sur elle justement

Cette année, Renault Classic présente à Rétromobile un prototype issu de son patrimoine et qui mérite qu'on s'y attarde tant cette étude réserve son lot de surprises : le projet H.
Retour en 1966.

Lorsque Peugeot et Renault s'associent le 22 avril 1966, ils s'assignent comme objectif de fusionner les achats, la fabrication et de mutualiser les études.
En ligne de mire, les deux Français appréhendent la date du 1er juillet 1968 avec l'Union douanière. Celle-ci doit supprimer les droits de douane à l'intérieur des six pays fondateurs du Marché Commun et harmoniser ceux au-delà des frontières de la CEE. Ni plus ni moins la fin d'un protectionnisme, qui va pressuriser les "chasses gardées" nationales et inévitablement accentuer la concurrence.
La pression est forte et pour les deux entreprises, c'est une véritable révolution qui est en marche. D'importants moyens sont débloqués et de nombreux chantiers sont lancés comme la création de la piste d'essais de Belchamp, mais aussi la planification des futurs produits.
L'homme qui en a la charge n'est autre que Bernard Hanon. Et il doit mettre rapidement sur pied pour les deux constructeurs une gamme distincte qui doit a la fois éviter toute concurrence frontale, et couvrir une fois réunie, tous les segments du marché.

Par chance aux Études, les deux patrons Marcel Dangauthier et Yves Georges montrent une vraie volonté de travailler ensemble. À tel point qu'une centaine d'ingénieurs Renault débarquent du jour au lendemain à La Garenne avec leur table à dessin. C'est la stupéfaction chez Peugeot où peu de personnes ont été averties. Il faut aller vite quitte à bousculer les habitudes, et démarrer sans plus attendre les premiers projets communs.
[size=14]La première étude commune porte sur le duo M121 : 104 côté Peugeot et R14 côté Renault après l'abandon de sa petite R2. Un modèle écarté en cours de route pour des raisons économiques sans que son partenaire en ait été averti. À la place, Renault développera seul une R5 qui va de facto entrer en concurrence directe avec la 104. Pour Peugeot, la pilule sera difficile à avaler.
Mais pour l'heure, le second chantier imaginé en commun dès l'été 1966 est le projet H (également codé 18), un véhicule de grand prestige qu'ils n'auraient jamais eu les moyens de développer seul, et destiné à détrôner ni plus ni moins la DS à l'Élysée. Car dans les coulisses, il est évident que les deux associés cherchent à barrer la route à un Citroën de plus en plus hégémonique, sans se douter encore que la marque est un colosse aux pieds d'argile.
Cette immense berline 6 glaces de 4,90 m. est une propulsion équipée d'un V8 à 90° de 3,5 litres de cylindrée. L'Association a délégué à Peugeot le soin de développer ce moteur.

Outre une suspension oléopneumatique étrennée sur la 404, ou encore des boucliers intégrés, la H réutilise également le principe de soudure flancs/pavillon breveté sur la Renault 16. Détail amusant, des crics téléscopiques intégrés sont même imaginés, directement fixés dans le bas de caisse !
Mais c'est bien sûr sur l'intérieur que l'accent a été mis avec des équipements alors inédits : une climatisation distincte entre les places avant et arrière (que l'on qualifierait de nos jours de “bi-zone”) ou encore des sièges arrières avec dossiers inclinables et réglables en profondeur ! (Tentez de vous attarder sur l'intérieur à Rétromobile).

Côté style extérieur, chacun des deux constructeurs y va de sa proposition. Mais avec une production prévue de 150 voire 200 exemplaires/jour en agrandissant l'usine de Flins, une seule et même carrosserie doit au final être retenue et partagée par les deux marques.
Pour Renault, trois maquettes à l'échelle 1 sont apparemment réalisées sous la direction de Gaston Juchet, inspirées par la Renault 16 : une version fastback signée Michel Béligond, seule survivante qui est présentée à Rétromobile, mais aussi une déclinaison deux volumes et demi ainsi qu'une tricorps, signées Vincent Dumolard et Jean-Claude Mornard.
Pour Robert Broyer qui a conçu le design intérieur et que nous avons consulté, seul le modèle de Béligond a pu être exécuté en interne. Pour les deux autres versions dont il ne se souvenait pas (c'était il y a 53 ans !), il se demande si Coggiola n'a pas été mis à contribution. D'ailleurs l'ancien styliste Renault résume assez bien la ligne générale : “Chez Renault, on n'était pas vraiment à l'aise avec les grands volumes. Le style de la H est lourd et manque d'homogénéité. À vrai dire, Michel Béligond était talentueux mais avait toujours du mal à retranscrire ses volumes à l'échelle 1." Quant à l'intérieur, si certains le qualifient de futuriste avec notamment son tachimètre horizontal à tambour, le designer tempère : "la surenchère d'équipements avait rendu la planche de bord surchargée et pas vraiment harmonieuse. Cette énorme casquette au tableau de bord devait permettre de guider l'air de la base du pare-brise directement vers le visage du conducteur".


Les documents iconographiques sur la H sont rares. Chez Peugeot, c'est simple, ils n'ont aucune archive ! Quant à Pininfarina, ils n'ont jamais répondu.
En revanche, chez Renault, cette maquette fastback de Michel Béligond est le seul document conservé aux archives du Design Renault.


Vue 3/4 arrière de la version fastback sur le toit de La Garenne. Outre la double sortie d'échappement, on notera les boucliers intégrés qui seront un thème développé par tous les constructeurs européens dans les années 70 et finalement appliqués sur la Fiat Ritmo.
Fausto Boscariol, l'un des collègues de Gandini chez Bertone m'a d'ailleurs raconté une anecdote à ce sujet. J'aurai l'occasion d'y revenir.


Le tableau de bord avec son immense casquette fait de la surenchère côté instrumentation et n'a pas du tout satisfait son designer, Robert Broyer.


De toute la série, c'est certainement l'un des documents les plus intéressants. : la proposition deux volumes et demi de Renault (un thème repris sur la R25), également présentée sur le toit de La Garenne chez Peugeot et probablement assemblé chez Coggiola.
On note quelques différences avec celle de Béligond, notamment la ceinture de bas de caisse ou encore le passage des roues arrières. S'agirait-il d'une version à empattement long ? À vérifier avec le modèle exposé…


La fastback conservée dans les réserves de l'usine de Flins (on remarquera à l'arrière-plan la fameuse Neutral) et qui est exposée à Rétromobile.

Mais sur ce projet, la surprise vient aussi du côté de Peugeot. À La Garenne, l'équipe de Paul Bouvot n'a pas le temps de travailler sur la H et son style est délégué à Pininfarina. Aussi sous la direction d'Aldo Brovarone, le carrossier italien va soumettre une maquette tricorps fidèle au style de la marque, qui affrontera sur le toit de La Garenne ses rivales Renault au début de l'année 1967.
Mais le projet n'aura pas de suite.

En juillet de la même année, les deux partenaires font leurs comptes. Avec un prix de revient de 9600 FF (12500 € actuels) et un tarif de vente situé autour des 19500 FF selon les versions (25000 € actuels), la rentabilité du modèle semble assurée sur le papier, même en incluant la commission de 15% reversée aux concessionnaires.
Mais côté investissements, Renault et Peugeot commencent à avoir des doutes. 190 millions de francs (230 M€ actuels) sont nécessaires en tout pour que la H devienne réalité. Personne n'a lésiné sur les moyens pour celle qui doit chapeauter les deux gammes et devenir le nouveau “flagship” français. Mais le marché français est-il prêt à absorber 150 à 200 véhicules/jour ? D'autant plus que rien n'indique que les ventes à l'étranger pourront soutenir une telle production, à une époque où les acteurs sont encore très nationaux.
Malgré les 7,4 millions de francs (9,5 M€ actuels) déjà investis —dont les deux tiers par Renault—, la dernière étude de marché commandée par Bernard Hanon montre que le succès du modèle est loin d'être garanti et qu'il s'agit là d'un pari risqué (ce qui s'avèrera pertinent avec le premier choc pétrolier de 1973).
L'heure n'est plus à l'euphorie mais à la raison. Dès lors, le projet H est abandonné et les prétentions sont revues à la baisse. À la place, un nouveau programme commun est envisagé, raccourci de 20 cm et cette fois-ci en traction : le projet J pour Peugeot et 120 pour Renault.

Si ce proto H est aujourd'hui considérée comme mineur, il n'a en revanche pas été inutile.
En 1971, les deux Français vont tenter d'élargir leur Association et ouvrent des discussions avec Volvo puis Daf. Non seulement pour amortir leur V8 (qui sera abandonné en 1974 après le retrait de Renault), mais bien sûr pour développer tous ensemble le futur V6 PRV.
Pour Renault, après la H puis la 120, ce sera finalement le programme 127 qui verra le jour, la future R30 dessinée en collaboration avec Giugiaro/Ital Design. Développer un haut de gamme fonctionnaliste initié par la R16 ou un modèle plus traditionnaliste et conforme aux attentes, voilà bien un dilemme que Renault n'arrivera jamais à résoudre…
Pour Peugeot, après la H, le fastueux programme J se scindera en deux et jettera non seulement les bases de la future 305 mais aboutira également à la future 604.

Mais au-delà des produits, pour Xavier Karcher qui a été l'un des principaux acteurs de l'Association avant d'être nommé à la direction de Citroën, ce sont bien les succès et les échecs de l'Association Peugeot-Renault qui serviront de matrice à Peugeot lorsqu'il absorbera Citroën !


Sur le toit de La Garenne, Peugeot présente cette maquette signée Aldo Brovarone chez Pininfarina. À noter qu'à cette date, le coupé 504 doit être déjà figé.
En arrière-plan, on devine la version tricorps de la Renault H et qui semble reprendre les portes de la R16.
Enfin, hasard de l'histoire à l'heure où Peugeot réfléchit à réintroduire son logo-écusson, c'est le dernier prototype à l'arborer.


Chez Renault, après la H, le projet 120 est mis à l'étude. Ici un sketch de Gaston Juchet datant de septembre 1968.


La maquette à l'échelle 1 de la 120 est présentée en 1969. La durée de vie de ce projet ne dépassera pas un an et sera remplacé tour à tour par la R puis la 127, la future R30 codessinée avec Giugiaro et sa toute jeune société Ital Design.


Chez Peugeot, la H est abandonnée au profit de la berline J (maquettes face 4 glaces et profil 6 glaces).
Sur le plan du style, cette étude est intéressante car elle fait la jonction entre la H, et pose les jalons des futures 604 et même 505.
La J sera également déclinée en coupé avant que le programme ne soit à son tour abandonné après le premier choc pétrolier.

maxxence006 a écrit:Je viens de découvrir ce divin objet roulant...


https://www.autoblog.com/2020/02/17/2015-bugatti-atlantic-canceled/#slide-2209738

Drien19 a écrit:Nous avons eu l'occasion d'en parler plusieurs fois sur le forum : (bien) avant le lancement de la nouvelle A110, Renault avait déjà maintes fois envisagé le renouvellement d'Alpine.

De nombreux projets sont ainsi restés sans suite. L'un des plus connus et en même temps, l'un des plus mystérieux, est celui de la "Z11". "Z11", c'était le nom de code donné à un concept-car qui devait être présenté au salon de Genève de mars 2001, et qui aurait dû prendre le nom de "Berlinette". Une version de série aurait dû en découler, mais a été, comme le concept-car, "tuée dans l’œuf".

En 2010, nous l'avions découverte sous forme de maquette (cf première photo ci-dessous - pour en voir d'autres, et en connaître davantage sur la "Berlinette Z11", je vous invite à lire cet article : http://auto-design-blog.blogspot.com/2010/05/renault-berlinette-concept-z11-design.html).

En farfouillant sur la page Facebook de LIGNES/auto, j'ai trouvé deux nouvelles images. A noter que LIGNES/auto va sortir un livre, en avril 2020, sur les concept-cars Renault. Mon petit doigt me dit que l'on y verra des images inédites de la "Berlinette Z11" ! Notamment la dernière image de mon message, visiblement "noircie exprès".